La maternité pour autrui: une pratique compatible avec le respect de la dignité humaine?

Mercredi dernier, l’Académie nationale de médecine a rendu un avis négatif sur la gestation pour autrui. Cette pratique plus connue sous l’expression de « mères porteuses », a pour objet de remédier à l’infertilité d’une femme.

On distingue la gestation pour autrui de la procréation pour autrui, où la femme qui porte l’enfant en est également la mère génétique. Si ces deux recours ont été longtemps tolérés en France, leur illicéité a été affirmée par deux arrêts de la Cour de Cassation, du 13 décembre 1989 et du 31 Mai 1991, avant d’être confirmée par le législateur dans la loi de bioéthique du 29 juillet 1994. En effet, au terme de l’article 16-7 du code civil, « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Au regard de la loi pénale, la maternité pour autrui constitue une supposition d’enfant, punie de trois ans de prison et de 45000 euros d’amende et s’accompagne des délits  de provocation à l’abandon d’enfant né ou à  naître et de faux en écritures publiques, sévèrement sanctionnés.

Face à cette interdiction, une nouvelle solution s’est développée : le « tourisme procréatif ». Pour ne pas violer la loi française, c’est à l’étranger que les couples français infertiles, vont désormais chercher une mère porteuse. Cette pratique est en effet tolérée en Belgique et aux Pays Bas, et autorisée et encadrée au Royaume Uni, en Grèce et dans 18 Etats des Etats Unis, où l’enfant peut être officiellement reconnu dés le quatrième mois de grossesse, par ses futurs parents intentionnels. Cet ultime recours serait utilisé par 300 à 400 couples français chaque année, mais a également un coût non négligeable, puisqu’on estime à 50 000 euros le montant de la procédure comprenant les traitements médicaux, les avocats, les séjours sur place et la compensation de la « gestatrice ».

Pourtant, il semble que l’illicéité de la maternité pour autrui soit aujourd’hui remise en cause. Cette pratique est en effet sujette à controverses en France.  Dans un arrêt d’Octobre 2007, la Cour d’Appel de Paris a, pour la première fois, validé la transcription sur les registres  d’état civil français des actes de naissance américains de deux enfants nées d’une gestation pour autrui en Californie. Les juges ont invoqué la conformité de ces actes de naissance à une décision de justice américaine, ainsi que l’intérêt supérieur des enfants. Mais en décembre dernier, la Cour de Cassation a jugé recevable le pourvoi formé par le Ministère Public, et déclaré illégale la transcription sur les registres d’état civil français des actes en cause.

Autre preuve de cette « hésitation » française, en juin 2008, dans le cadre de la révision de la loi bioéthique, un groupe de sénateurs a rendu un rapport favorable à la légalisation de la pratique des  mères porteuses, sous réserve d’un encadrement strict. Parmi les propositions effectuées, il a été avancé que  seuls les couples hétérosexuels puissent faire appel à une mère porteuse, que  l’enfant porté ait le patrimoine génétique d’au moins un des parents. De plus, l’accord conclu avec la mère porteuse serait un accord juridique encadré par l’intervention  du juge judiciaire chargé de recueillir le consentement de toutes les parties et de fixer l’indemnisation de la mère porteuse. Enfin, il a été prévu un droit de repentir pour la mère porteuse, qui lui permet, dans les trois jours suivant l’accouchement, de décider de garder l’enfant.

La pratique des mères porteuses soulève un grand  nombre de problèmes juridiques et éthiques. Sa légalisation remettrait en cause une règle fondamentale du droit de la filiation de la plupart des Etats occidentaux, selon laquelle la maternité légale résulte de l’accouchement, ainsi que deux principes fondamentaux qui sont l’interdiction de faire de l’homme une marchandise, et de le traiter comme une chose. Selon le Sénat et la commission de travail de juin 2008, la gestation pour autrui ne constitue pas une exploitation mercantile, ni une instrumentalisation du corps de la femme, mais est au contraire comparable aux dons d’organes et de gamètes. Pourtant, la conclusion d’un accord juridique sur les conditions de cette maternité pour autrui n’a d’autre objet que l’enfant à naître, et les instruments pour parvenir à sa réalisation, que le corps de la mère porteuse. Un tel recours est interdit en France au nom de l’indisponibilité du corps humain, mais aussi dans le but d’éviter l’exploitation de femmes démunies. L’exemple de la Russie, où des femmes riches font porter leur enfant par une autre, en toute légalité, porte à réflexion.  En France, en marge de la loi, un véritable marché clandestin s’est mis en place, et certaines femmes n’hésitent pas à « louer » leur corps contre rémunération, qui peut aller jusqu’à 20 000 euros.  On est alors dans une forme d’asservissement de la femme, voire aux limites de la prostitution.

Mais la maternité pour autrui porte surtout atteinte à la valeur symbolique de la maternité et peut en cela avoir des conséquences psychologiques graves. Les partisans de la légalisation de cette pratique invoquent le désir d’enfant des parents intentionnels, leur investissement tout au long de la « gestation », ainsi que la qualité du cadre familial d’accueil du nouveau né. Pour autant, durant les neuf mois de la grossesse, un lien fusionnel se crée entre la mère et l’enfant qu’elle porte. L’abandon à la naissance est alors une expérience traumatisante, aussi bien pour la mère que pour le bébé. Dans bien des cas, ce recours aboutit au moment de l’accouchement, à un refus de la part de la mère porteuse, de « céder »  l’enfant aux parents infertiles, qui perdent alors celui ou celle qu’ils considèrent depuis le début de la grossesse, comme leur propre enfant. En outre, cette pratique n’est-elle pas avant tout contraire à l’intérêt de l’enfant? L’adolescent qu’il devient se retrouve confronté à une filiation complexe, issue de la multiplication des figures maternelles.  Point positif parmi les propositions sénatoriales de juin 2008, on prévoit l’interdiction pour une femme de porter l’enfant de sa propre fille. Cette précision peut paraître inutile, pourtant, Nadine Morano, secrétaire d’État à la Famille, avait quant à elle déclaré qu’elle serait prête à porter l’enfant de sa fille. Nadine Morano semble oublier les conséquences dramatiques sur l’état psychologique de l’enfant, qui aurait pour grand mère…sa propre mère.

Actuellement en France, l’épouse du père de l’enfant né d’une mère porteuse ne peut pas le reconnaître officiellement, et n’a aucun droit parental en cas de décès du père, ou de divorce. Si la légalisation du recours aux mères porteuses pourrait remédier à cette difficulté, elle ferait cependant primer l’intérêt des parents infertiles, profondément désireux d’avoir un enfant, et reviendrait à reconnaître un droit à l’enfant. Cependant, peut-on réellement se prévaloir d’un tel droit, sans réduire l’enfant à un pur objet, tout simplement commandé par ses parents intentionnels? Peut-on invoquer un droit dont la substance est liée à l’existence d’un être humain ?

Julie Ignaczak

Une Réponse

  1. il y a un an j ai appris que j avais un cancer de l uterus traitement et ablation de mon uterus
    donc impossible de mettre au monde mon enfant.
    souffrance que les gens qui ne vivent pas ca puissent comprendre
    je suis a 100% pour la legalisation de la gestation pour autrui. J’ai toujours mes ovaires donc mes cellules reproductrices ce qui signifient que cette légalisation est notre seule chance d’avoir un enfant avec nos gènes respectifs et qui nous ressemblera et qui aura mon sang et le sang de mon mari qui coulera dans ses veines.
    alors pensez un peu a tous ces personnes qui sont dans la souffrance de ne pas pouvoir porter leur enfant
    merci de prendre le temps de me lire.

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