LE PROJET DE LOI ORANIQUE ET LE COTE OBSCUR DU DEFENSEUR DES DROITS

La création d’un « Défenseur des droits » fut une des réformes les plus inattendues de la révision constitutionnelle de l’été 2008 puisque, absente de la lettre de mission du Président de la République, elle semble être née de l’attachement à cette idée d’un des plus haut membres du comité dit « Balladur ».

Pourtant, cette nouveauté est quasiment passée inaperçue. Les médias se sont focalisés sur la possibilité pour le Président de s’exprimer directement devant la représentation nationale, l’opposition n’en a pas fait une priorité et la majorité présidentielle s’est elle étonnamment abstenue de capitaliser électoralement sur une réforme pourtant supposée porteuse de nouveaux droits pour les citoyens et « estampillée droits de l’homme » . Même la doctrine constitutionnelle a relégué le Défenseur des droits au rang de « gadget », comme en témoigne la faiblesse des publications relatives à ce sujet.

Mais la discrétion du Défenseur des droits et le flou qui l’entoure, son coté obscur  ne peuvent-ils pas être considérés comme révélateurs d’une volonté délibérée de le faire avancer masqué ? Car, présenté comme la transposition en France du « Defensor del pueblo »[1] (qui joue en Espagne le rôle d’un véritable contre-pouvoir tant entre les citoyens et les pouvoirs constitués qu’entre ceux-ci), le Défenseur des droits s’est éloigné, suite aux modifications apportées par le gouvernement puis par les parlementaires, du modèle espagnol.

Le processus d’élaboration du Défenseur des droits permettait pourtant d’envisager  quels étaient les objectifs inavoués d’une telle création. En effet, derrière le « vernis » des droits de l’homme et des bienfaits de la médiation et de la simplification, semblait se profiler un  risque. Avec la nomination par le Président de la République et la fusion annoncée sous l’autorité du Défenseur, des autorités administratives indépendantes de défense des libertés, il est à craindre une mise au pas de celles d’entre elles les plus critiques vis-à-vis du pouvoir exécutif, notamment par la voie de restrictions budgétaires.

Le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits examiné le 9 septembre en conseil des ministres semble d’ailleurs confirmer ces craintes. Il prévoit en effet la suppression du Défenseur des enfants et de la Commission Nationale de la Déontologie et de la Sécurité sans que celles-ci n’aient été consultées ni même auditionnée malgré leurs sollicitations[2]. La défenseure des enfants Dominique Versini dénonce d’ailleurs une « maltraitance constitutionnelle »[3]. La ligue des droits de l’homme n’a  pas manqué de souligner dans son communiqué du 16 septembre ce qu’elle juge comme une « régression de l’Etat de droit : « Sans doute l’actuelle Défenseure des enfants a-t-elle déplu en prenant au sérieux la défense des enfants et de leurs droits, comme la Commission nationale de déontologie des forces de sécurité avait eu le tort de reconnaître l’existence de violences policières, ce qui lui avait valu naguère une tentative d’étranglement budgétaire. La punition sera donc la même pour ces deux autorités trop indépendantes: elles disparaissent au profit du Défenseur des droits prévu par la récente révision constitutionnelle, institution généraliste et donc moins gênante »[4].

Ainsi, sous couvert de renforcer la garantie des droits et de redorer l’image du « pays des droits de l’homme » auprès des institutions internationales, le Défenseur des droits en vient à menacer le contrôle du respect des droits fondamentaux par le pouvoir exécutif. En l’état, l’indépendance du Défenseur des droits n’est pas garantie et celle de nombreuses autorités indépendantes en charge du respect des droits et libertés ne l’est donc plus.


[1] Article 54 de la constitution espagnole

 

[2] Le monde daté du 17/09/09

[3] http://www.mediapart.fr/club/blog/sebastien-rome/150909/le-gouvernement-supprime-la-defenseure-des-enfants

[4] http://www.ldh-france.org/Des-enfants-sans-Defenseur

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