Témoignage d’un franco-israélien

 

C’est une histoire que je vous raconte aujourd’hui. Celle d’une personne de nationalité franco-israélienne qui, jusqu’à peu, avait une opinion plutôt critique s’agissant de l’attitude israélienne à l’égard des palestiniens mais qui ne parvenait pas à accepter que l’on s’attaque à son pays. Celle d’une personne qui se raidissait lorsqu’elle entendait raconter des histoires sur TSAHAL – l’armée israélienne – et sur l’expansion des colonies juives. Une personne dont la famille habite à quelques kilomètres de la bande de Gaza et qui avait naturellement tendance à prendre leur défense face aux tirs d’obus « incessants ».

Mais voilà, le temps faisant son office, cette personne a pris du recul. Du discrédit qu’elle jetait d’ordinaire d’office sur les arguments « pro-palestiniens » elle est passée à une attitude plus ouverte. Progressivement, les médias français lui ont paru rapporter les évènements de façon étrangement manichéenne et elle a commencé à chercher d’autres sources d’informations. C’est par ce cheminement qu’aujourd’hui cette personne est amenée à proclamer une double chose. « Oui, les juifs israéliens ont droit à une terre qui soit la leur. Mais il est injustifiable qu’ils l’aient obtenu et qu’ils la conservent dans les conditions qu’elle accepte désormais comme vraies ».

Alors quelles sont ces conditions? Elles pourraient être résumées dans une simple formule: la politique du fait accompli. En me faisant grâce d’un rappel historique complet, elle souligne que dès la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, et alors même que le principe posé consistait dans un échange « paix contre territoires », l’Etat israélien a accru sa politique d’expansion par la construction de colonies juives sur les territoires occupées. Celles-ci, me raconte t-elle, sont peuplées de colons religieux d’une violence extrême comme en témoigne la situation d’Hébron (Cisjordanie) où 400 d’entre eux, protégés par TSAHAL, martyrisent une population palestinienne qui compte plusieurs centaines de milliers d’individus.

Des dizaines de résolutions votées par l’ONU – et rendues inapplicables par le Conseil de sécurité en raison du veto américain –, une seule a été appliquée par l’Etat israélien. Pour confirmer son mépris du droit international, celui-ci feint d’ignorer l’avis de la Cour International de Justice du 9 juillet 2004 affirmant notamment que « le mur tel que tracé et le régime qui lui est associé portent atteinte de manière grave à de nombreux droits des Palestiniens habitant dans le territoire occupé par Israël sans que les atteintes résultant de ce tracé puissent être justifiées par des impératifs militaires ou des nécessités de sécurité nationale ou d’ordre public »[1].

« En construisant ce mur, mon pays cherche à rendre impossible l’idée même d’un Etat palestinien », me livre cette personne. Quel autre objectif pourrait-on en effet trouver à la segmentation de la Cisjordanie par un mur slalomant entre les villes et villages palestiniens, à la privation, pour les arabes, de la possibilité de se mouvoir sur leur propre territoire et à l’isolement la bande de Gaza?[2]

Malgré ça, cet israélien qui réside en France m’apprend qu’il veut partir vivre en Israël, faire aliyah comme on dit en hébreu. Il dit qu’en allant sur place, il aura la possibilité de s’investir pour que son pays cesse son attitude colonialiste. Et de rappeler que le retrait des colonies de la bande de Gaza annoncé en février 2004 avait pour objectif direct d’intensifier l’implantation juive en Cisjordanie.

 

Désolé, il lâche que sa nationalité française ne lui confère guère de réconfort. Soulevant un exemple parmi d’autres, il s’indigne de la rencontre entre Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères israélien, et Bernard Kouchner, son homologue français, le 5 mai prochain alors que le premier avait déclaré: « nous devons combattre le Hamas comme les Etats-Unis ont combattu les Japonais pendant la Deuxième Guerre mondiale », sous-entendant ainsi qu’il serait souhaitable d’utiliser la bombe atomique sur Gaza[4]. De Mouammar Kadhafi en passant par Bachar Al-Assad, la visite de Lieberman semble révéler un penchant malsain de la France à recevoir des hôtes pour le moins controversés. N’oublions pas que le premier des droits de l’homme est celui des victimes…

La situation inconfortable d’être citoyen d’un pays qui clame faire son maximum pour obtenir la paix mais qui, en réalité, adopte une attitude qui ne peut conduire à un compromis pacifique pèse sur les épaules de mon interlocuteur. L’optimisme reste pourtant de mise: des gens se battent, de part et d’autre du mur illégal, pour que la situation s’améliore véritablement et pour que les droits de chacun soient respectés[5]. « La paix franco-allemande ne s’est pas faite en un jour. Peut-être verra t-on d’ici quelques années se créer une Union-orientale sur le modèle de l’Union européenne… Inch’allah! ».

Benjamin Francos

[1]: Pour v. l’avis de la CIJ

[2]: Pour v. l’évolution du partage du territoire et le tracé du mur

[3]: Pour visiter le site France-Palestine Solidarité

[4]: V. le site du Nouvel Obs

[5]: V. par exemple l’Association France Palestine Solidarité

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