Un rapport d’Amnesty International dénonce la quasi-immunité de la police francaise

Un rapport d’Amnesty International en date du 2 avril 2009 écorche sérieusement l’impunité des policiers français et constate avec amertume que les recommandations émises lors de son précédent rapport de 2005 n’ont été suivies en rien par les autorités[1].

A travers différents témoignages, l’ONG démontre que cet état de fait résulte principalement de «l’incapacité ou [du] manque d’empressement de la police, du ministère public et des tribunaux dès qu’il s’agit de mener des enquêtes exhaustives sur des violations des droits humains impliquant des agents de la force publique et d’en poursuivre les auteurs présumés»[2].

En cause également, le fait que le système pénal, les dispositifs de l’IGPN (« police des polices ») et la CNDS « ne répondent [pas] totalement aux exigences des normes et du droit internationaux relatifs à l’obligation de mener des enquêtes impartiales, indépendantes et effectives dans les plus brefs délais». De fait, les gens ont tendance à regarder avec circonspection l’introduction d’un recours devant la CNDS « étant donné que cette dernière ne peut mettre en œuvre aucune forme de sanction».

Le manque d’indépendance et d’impartialité n’est, par ailleurs, pas une critique nouvelle. Dans un entretien au Monde [3], l’organisation rappelle que s’il n’y a « pas de lien structurel entre le juge ou le procureur vis-à-vis de la police » « [il] n’en demeure pas moins que le juge d’instruction ou le procureur font appel à la police judiciaire pour des auditions de témoins, de  suspects ou pour recueillir des éléments de preuve. Ce qui conduit à un manque d’indépendance de fait […] Ce qui fait que quand le dossier est présenté au procureur au terme de l’enquête préliminaire, ou au juge d’instruction, il n’y a pas suffisamment d’éléments pour poursuivre et on aboutit à un classement sans suite ».

Le rapport s’émeut en outre de l’augmentation des procédures intentées par des policiers pour « outrage » et « rébellion », et qui tendent à transformer la victime de violences policières en principale accusée. Ce faisant, les forces de l’ordre espèrent dissuader les potentielles victimes de demander justice ce qui, dans un Etat de droit où tout agent public est supposé devoir rendre des comptes, laisse songeur…

Dans un arrêt du 1 septembre 2006 (Taïs c/ France)[4], la Cour européenne des droits de l’Homme avait eu l’occasion d’affirmer, à propos du décès d’une personne placée en cellule de dégrisement, que le « Gouvernement défendeur n’a pas fourni d’explication plausible sur l’origine des blessures ». Et la Cour d’en conclure une violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme sur le droit à la vie : « l’inertie des policiers face à la détresse physique et morale de l’intéressé et l’absence de surveillance policière effective et médicale ont enfreint l’obligation qu’a l’Etat de protéger la vie des personnes en garde à vue ».

S’agissant de violences de personnel ayant pour mission de maintenir l’ordre, j’ai moi-même récemment eu l’occasion d’assister à des heurts entre les agents de sécurité d’une Université dont je tairai le nom et les collégiens d’une cité voisine qui étaient installés dans l’herbe, sur le campus. Une bagarre d’une rare violence a éclaté et j’ai pu voir un vigile porter un coup de pied particulièrement fort à la tête d’un des jeunes qui était pourtant immobilisé au sol et qui ne manifestait plus aucune volonté de résister. Face à cet acte inadmissible, j’ai immédiatement demandé à cet agent de s’identifier. La seule réponse qu’il fut possible d’obtenir de sa part a été : « Je n’ai pas de nom ! ». La police est arrivée et les jeunes sont partis menottés tandis que l’on ne sait pas ce qu’il est advenu du vigile en question. Les autres témoins de la scène et moi-même avons tout tenté pour que les policiers recueillent nos témoignages mais nous nous sommes heurtés à une même phrase cynique : « C’est bien d’avoir des idées ! ». Cette façon de discréditer notre témoignage parce qu’il incriminait un agent de sécurité a été vécue comme un manque d impartialité criant.

De son côté, la police estime ne pas être en devoir de questionner ses pratiques, comme l’explique un article de rue89 portant sur des faits similaires [5].

Benjamin Francos

[1] : http://www.amnesty.fr/_info/rapport_france/

[2] : Pour lire le rapport

[3] : Pour lire l’entretien

[4] : Pour lire l’arrêt de la CEDH

[5] :  http://www.rue89.com/2009/04/02/violences-policieres-justice-et-police-repond

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